Le petit pavillon de Creil situé au bout de l’île Saint-Maurice est édifié vers 1780, s’inscrivant parfaitement dans la mode des fabriques néo-classiques qui sévit alors.
La mode des fabriques
Au 18e siècle, le goût pour le jardin irrégulier se développe en Angleterre. Ce jardin anglais, appelé aussi « jardin pittoresque » (digne d’être peint) en France, s’oppose au jardin régulier : il est composé d’allées sinueuses, de ponts et de rivières artificielles, de grottes et de rocailles, ainsi que de massifs boisés ou fleuris, ce qui lui donne un aspect plus proche de la nature.
Le pavillon 18e de Creil.
Des fabriques, qui sont à l’origine des éléments de construction dans les tableaux, agrémentent l’ensemble. Il s’agit de constructions à vocation ornementale, qui ponctuent le parcours du promeneur ou marquent un point de vue pittoresque. Le berceau de ce nouveau style anglais est à Chiswick house, propriété de Lord Burlington à Londres, dont les jardins ont été dessinés par l’artiste William Kent (1685 – 1748) vers 1725.
Dans la seconde moitié du 18e siècle, la France s’inspire des jardins de Kent. A Versailles, la reine Marie-Antoinette charge l’architecte Richard Mique et le peintre Hubert Robert de créer un jardin pittoresque au domaine de Trianon. Des fabriques de différents styles, exécutées entre 1777 et 1787, ponctuent le jardin. Deux des fabriques sont de style néo-classique et inspirées de l’Antiquité : le Temple de l’Amour, le Belvédère. Terminé en 1781, le belvédère est un édifice de plan octogonal élevé sur un socle de pierre et couronné d’une balustrade.
Le Ville de Compiègne, peinture à l’huile sur toile,
19e siècle, 2017.0.1.
Un temple de l’amour ?
Même si elle est parfois appelée « temple de l’amour », sans doute à cause des bas-reliefs qui l’ornaient, la fabrique creilloise fait plutôt écho au belvédère de Versailles. Sa situation, en amont de l’île, avec une vue dégagée sur l’Oise, correspond aussi à celle d’un point de vue, à la manière d’un belvédère.
Pour le poète anglais Alexander Pope, « tout jardin est peinture de paysage ». Tout comme les fabriques des jardins néo-classiques du 18e siècle, le pavillon de Creil, entouré autrefois d’un petit jardin, s’inscrit dans un paysage et donne un caractère pittoresque à la vue.
Architecture du pavillon
Les pierres qui ont servi à sa construction proviendraient des matériaux non employés lors de l’édification du pont de Creil par Perronet.
Ce pavillon est caractérisé par un plan carré à pans coupés, rappelant le plan octogonal du belvédère.
Le pavillon 18e de Creil, dessin sur calque.
Il est percé de quatre baies, autrefois fermées par des portes-fenêtres à deux vantaux à grands carreaux. Il est surmonté d’un dôme couvert d’ardoises, reposant sur un entablement, composé d’une corniche et de modillons à glyphes. Chaque baie est surmontée d’un cartouche sculpté en bas-relief, représentant des scènes. Aujourd’hui illisibles, elles représentaient peut-être autrefois des thèmes champêtres ou évoquant les quatre saisons comme à Versailles.
A l’intérieur, chaque ouverture est surmontée d’une frise de feuilles d’acanthe déchiquetées et d’une niche, autrefois ornée de figures sculptées. Elle est flanquée de deux pilastres ornés de chapiteaux à glyphes. La corniche a reçu un décor de frises d’oves et de dards qui alternent avec des frises de denticules. Une grande partie des décors sculptés, représentant notamment des anges, a aujourd’hui disparu. Des cartouches et des décors floraux venaient autrefois agrémenter l’ensemble.
Le pavillon a été classé au titre des Monuments Historiques le 15 janvier 1925. Cela n’a pas empêché la construction de la piscine de Creil juste à côté, à la même époque. Il a ensuite subi les ravages de la Deuxième Guerre mondiale.